Visite Nestou et Gael Aout 2023
Dans l'Yonne, près de Saint-Fargeau, Il y a 10 ans, une bande d'allumés a décidé de construire un chateau fort
comme au moyen-âge. Le
château de
Guédelon est donc un chateau fort médiéval en construction ! Pas banal.
Ce qui l'est ancore moins, banal, c'est qu'ils n'utilisent que les moyens de l'époque, pas de grues, de pelleteuses, de marteaux piqueurs, de goudronnettes, de tronçonneuses, d'ordinateurs et de logiciel 3D. Tout est construit comme au bon vieux temps !
On a coutume de prendre les moyen-âgeux pour des demeurés et des ploucs, qui z'avaient même pas de smartphones,
ni de fours micro-onde
et que nous sommes des petits génies...Tout faux !! Les besogneux ont mis des années
pour arriver à piger comment ces rustres se démerdaient pour batir des trucs pareils avec leurs petites mimines.
Il n'y a presque aucune trace écrite de leurs petits secrets. Les infos et tours de main se transmettaient
oralement.
Il a
fallu aller crapahuter un peu
partout,
de châteaux en châteaux, de ruines en ruines
pour
retrouver certaines techniques des moyen-âgeux. Un type nous expliquait les moments intenses quand ils virent les
étais en bois d'un plafond en ogive...ou çà tient 5mn ou bien 5 siècles.
Exemple : Presque un an pour
arriver simplement à refaire des
"vitres" sur
les ouvertures avec des peaux
de
bestiaux, imprègner lentement tout çà avec de la cire à chaud dans un ordre précis, que ce soit translucide et que
la peinture de la
déco
arrive à tenir. Ils ont été jusqu'en Allemagne pour retrouver la technique.
Les constructeurs ont choisi cet endroit car, pour le bois et les charpentes, il y a la forêt tout près, une
carrière pas loin
pour les pierres,
de l'argile pour la poterie, des champs pour cultiver le blé pour le pain, le lin pour le tissu et les cordages et
une rivière pour y construire un moulin.
Petite interrogation : On se demande bien comment ils ont eu le permis de construire !
Depuis un bon bout de temps, nous avions tenté d'aller voir le château de Guédelon. Pas de rendez-vous chez
les
toubibs, pas d'examens à la noix, nada, il fait beau..Zou, départ pour Guédelon.
On a pris un hôtel à Saint Fargeau, c'est pas trop loin à 8 km à vol de rapace. Environ 80€ la nuit et petit
dej
à 12€. Pas de problème de stationnement, il y a de grands trottoirs sur l'avenue et en plus
le
stationnement est...gratuit.
On a fait un gros dodo bien mérité. Il y a bien eu une alarme incendie
intempestive
en début de nuit, mais çà ne nous a pas trop troublés. La patronne nous a offert le petit-déjeuner pour se
faire
pardonner du tintamarre. On s'est goinfré. Par contre pas de resto. On s'est fait rembarrer d'une pizzeria et on
a échoué dans un
truc asiatique style cantine d'entreprise, sympa mais étrange.
Sur le chantier du château, ils font tout eux-mêmes, les poutres, charpentes, les clous, les outils, les
cordages, les
paniers, les vêtements, les chaussures, ils taillent les pierres, font leur pain... rien
ne vient de
chez castorama ! Ils ont des chevaux et des charrettes pour transporter le matos...des amish !
Il n'y a que
pour
la
sécurité qu'ils sont un peu plus "modernes", casques, harnais, chaussures de sécurité et signalisation quand
c'est nécessaire.
Il n'y a pas eu
un pépin en
10 ans.
Ils sont plutôt fortiches en communication ( reportages, videos sur internet, émissions tv ) mais pas de
sponsors, de subventions ni d'aides quelconques. Ce sont les entrées ( 15€ ), la boutique et les reportages qui
financent le
tout. ( le parking est gratuit )
Et chose
à
peine croyable, il n'y a aucune pub. Pas de pub sur le dépliant remis à l'entrée, pas de parasols coca-cola ou
de
tables et chaises orangina...rien pas l'ombre d'une pub nulle part. Mêmes les godets recyclables sont
estampillés
Guédelon.
Des purs et durs.
Le Moyen-âge quoi !
Les artisans sont sympas et ne rechignent pas à discuter et expliquer leur boulot. On hésite un peu à les emmerder et les empêcher de bosser, mais ils s'y prêtent de bonne grâce. D'ailleurs il y a des jours sans visiteurs et je présume que ces jours là, ils mettent les bouchées doubles et bossent comme des malades. Ils savent que ce sont les visiteurs qui financent leur projet insensé alors,ils jouent le jeu.
Ben les forgerons forgent...Ils se tapent tous les trucs en ferraille. Ils reprennent presque chaque jour les
outils des tailleurs de pierre qui s'emoussent
rapidement (
pas les tailleurs...les outils !). Ils
font des clous, tous les outils, les cerclages de roues,les ferrures
des portes...etc...
Ils sont arrivés à obtenir plusieurs
kilos d'acier en partant de blocs ferrugineux trouvés sur place. Pas trop en vue d'une grosse production, mais
pour
retrouver les techniques passées.
L'attelage sert bien sur à trimballer tout un tas de choses. Le dada ne va pas très vite mais il est "vachement" impressionnant. Un bon exemple de ce qu'est "la force tranquille". Il ont d'autres chevaux qui se la coule douce dans des prés, des bestioles xxl. Semblent pas être malheureux.
Les vanniers ou plutôt les vannières fabriquent tous les paniers, des grands, des petits, des gigantesques, elles trouvent tout ce qu'il faut autour du château, des osiers, des saules, des roseaux..je sais pas si c'est très rigolo de tresser des paniers à longueur de journée, elles conservent le sourire et ne détestent pas fournir des explications, à condition de ne pas mettre la main au panier bien évidemment. (Il faut osier, je suis parfois d'un vulgaire !)
Le boulot des carriers, c'est de briser d'énormes blocs selon la demande pour les tailleurs de pierre, qui eux travaillent les pierres pour les installer là où qu'il faut. Ils ne bossent pas dans la dentelle, faut des muscles !
L'espace/atelier/cabane des tailleurs de pierre, c'est du rustique, comme tous les espaces des artisans. Ce ne
sont
pas des
tuiles sur les toits mais des planchettes de bois. les tuiles sont réservées pour le château. C'est assez
étanche
malgré tout, mais çà ne dure pas très longtemps.
Les vraies tuiles sont difficiles à réaliser, au début il
y avait
70% de
pertes à la cuisson, pire que les oeufs pochés, et avec l'expérience, ils sont arrivés à 5%. Les tuiles étaient
destinées
au bicoques des friqués ou des nobles.
Les tailleurs de pierre font un sacré boulot, presque chaque pierre passe par leurs petites mains caleuses, ils taillent les pierres pour les ogives, les piliers, les colonnes, les entourages de fenêtres, de portes, les chapiteaux... J'ai pas vu de gargouilles. ils ont des gabarits et des modèles spécifiques selon la destination du truc.
Pas de piège, les cordiers font des cordes. Imparable.
Comme tout ce qu'on croit vachement fastoche quand
on n'y connait que dalle, faire
des
cordages, c'est pas de la tarte. Il faut tortiller tout çà dans un sens, puis boudiner un autre morceau dans
l'autre et encore dans
l'autre sens pour que les
différentes parties de la corde s'auto-serrent et ne se dépiautent pas. J'ai pas tout pigé, mais faire un
cordage
de
20m de long, c'est coton. Ce cordier là n'a pas l'air de trop se fouler, il doit faire du tricot !
Quand il
pleut des cordes, ils s'abritent.
Gâcheur...çà sonne pas pas terrible.. Je sais pas pourquoi, mais se faire traiter de gâcheur... "Tu n'es qu'un
gâcheur".C'est pas bien gentil.
Enfin, on n'est pas là pour dénigrer.
Donc le gâcheur c'est celui qui fait
le mortier pour que
tout çà tienne debout. Il mélange de la chaux, de l'eau et du sable et il gâche. Puis il refile le produit de
son labeur
aux maçons qui ne doivent pas gâcher puisque c'est déjà fait.
Appelons les grutiers même s'ils n'ont pas de grue. On va pas chipoter.
Il ont de grands palans avec deux
cages à hamsters. Ils montent
les blocs en gambadant tranquilos dans les roues, à pas lents, comme il se doit. Je suppose qu'il y a un
système de cliquets pour
que çà ne retombe pas sur
la
tronche du mec en dessous qui installe les pierres sur le plateau. Faut bien disposer le fourbi, que ce soit
bien
équilibré. Enfin c'est pas au gramme près.
Les couvreurs s'évertuent à placer soigneusement les tuiles sur les toits... comme tout couvreur qui se
respecte.
Ils
se plient un peu
aux normes de sécurité, harnais, cordages et autres protections. Pas sûr que les moyen-âgeux prenaient toutes
ces précautions.
C'est tout de même plus prudent, car se ramasser une gamelle du haut d'un donjon ce doit
pas
être de la rigolade.
D'accord, Ils sont certainement couverts pas des assurances, un comble pour un
couvreur. Si
j'osais, je dirais que çà leur évite les tuiles, mais je n'ose pas. Il y a aussi des filets pour éviter
de balancer
par inadvertance
des tuiles et autres cochonneries sur les pauvres touristes qui trottinent tranquillement en dessous.
Curieusement, malgré un beau soleil, on n'a pas vu l'ombre d'un maçon. Pourtant ils doivent bien être cachés
dans un coin. Sans eux le château ne serait qu'un vulgaire tas de cailloux
C'était peut-être le jour de la
grève de la
truelle, en tout cas on les a pas vus.
Les charpentiers font des trucs impossibles.
Ils n'utilisent pas de scie pour débiter les troncs d'arbre,
mais
ils fendent les troncs à la hache et avec des coins pour conserver le fil du bois, ce qui rend les poutres
beaucoup plus résistantes
qu'en les sciant
"bêtement".
Ils utilisent de gros rabots ou des genres de grosses serpette à deux mains pour
travailler la poutre. C'est beaucoup de boulot, mais le résultat est bien meilleur. Les moyen-âgeux avaient
le
souci
du travail bien fait, et ils ne connaissaient pas encore la scie à ruban !
Ils assemblent le tout avec mortaises, goujons,tenons...Ils vérifient les éléments de la charpente "à blanc" avant la mise en place.
Autre détail, ils ne détestent pas les arbres aux troncs tordus ou biscornus qui peuvent être utilisés subtilement pour les éléments de charpente courbes.
A 500m du château, il y a une rivière où ils ont construit un moulin.
Ils ont creusé une dérivation avec
des vannes pour réguler le débit. Si le moulin tourne trop lentement çà fait de la farine dégueu et s'il tourne
trop vite, les meules chauffent et risquent de péter. D'où la chanson "Meunier tu dors... ton moulin va trop
vite...tra..la..la..." Ils arrivent à produire plusieurs dizaines de kilos de farine par jour. (Quand il
marche)
Ce jour là il
n'y avait pas assez de flotte pour actionner l'engin. C'est mauvais pour les pales, elles sont à leur aise dans
l'eau mais elles se détériorent au sec. Comme les poiscailles.
Il y a une charmante greluche de faction qui
nous mouline un petit
baratin. Sympa.
Ils ont un peu merdé pour tailler les meules et produire de la farine de qualité. Il faut de la pierre très dure ( granit) et l'épaisseur des meules est critique. Les grains tombent dans le trou au centre de la meule supérieure et la farine est éjéctée sur les bords par la force centrifuge. Ils brandouillent une espèce d'entonnoir pour que le grain tombe lentement.
Ensuite ils refilent la farine au talmelier qui petrit tout çà et fait le pain. Le talmelier c'est le nom ancien, d'autrefois et comme ils faisaient du pain en boule, ils sont devenus boulanger...comme çà, sans prévenir.
On aurait pu les appeler boulier, bouliste, boulonneur, boullinien, bouloniste ben non : boulanger !
Je ne vais faire l'affront de dire ce qu'il fait ! Il y a beaucoup de jeunes qui bossent sur le chantier, mais il y a toujours un vieux dans un coin. Il y avait un vieux potier barbu pas bien loin mais la photo est floue et le potier aussi...( Irina apprécie pourtant mon talent pour le flou artistique !) Alors place aux jeunes. Au moins, coup de bol, lui il est net. Plus on devient vieux, plus on devient flou.
Comme il n'y avait pas de grandes feuilles de papier, de tables à dessin, d'imprimantes 3D en ces temps reculés, ils dessinaient des brouillons par terre sur du sable et faisaient ensuite des gabarits en bois au propre. Si le projet était foireux, ils effaçaient le tout à la balayette et recommençaient. Ils utilisaient de grands compas, des règles, des ficelles, des équerres, des modèles existants. Par temps de pluie il devaient se réfugier dans un abri. Un open space.
Il y a probablement des vigiles en armure qui déambulent à la nuit tombée, mais il y a aussi quelques petits groupes d'oies qui font des rondes. Elles viennent délicatement "mordiller" les bas de pantalon avec leurs crocs acérés pour bien nous faire comprendre qu'il ne faut pas roder près des stocks de poutres et en mettre une sous son blouson. Elles sont nourries et logées, la bonne planque.
Je connaissais pas ce mot là, quel inculte. La Aula était donc la pièce principale du château, une salle publique, une salle des fêtes. Le seigneur y rendait la justice, recevait les invités. On y faisait des festins, il pouvait aussi servir de dortoir ou de salle de bal. C'est là qu'on dressait les tables sur des tréteaux pour les gloutonneries et autres beuveries.
On entend un vacarme infernal et on se retrouve dans une tempête de sable. Un hélico !! Qu'est-ce qu'il fout là. Si c'est pour trimballer des touristes, il est un peu gonflé. Ben non c'était le Samu qui tentait un aterrissage. Comme le pilote voyait que dalle because le sable, il s'y est repris à plusieurs fois avant de garer son engin. J'ai vite recouvert ma bibine !
Plus de peur que de mal. Un pépé qui se trouvait très bien, s'est soudainement trouvé mal. Comme quoi on peut changer d'avis rapidement. Par précaution on l'a embarqué vers l'hosto le plus proche.
Un hélico jaune citron sur fond de chateau médiéval... Ils font bien les choses à Guédelon !